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CHRONIQUE : Baco & Urban Plant « Rocking My Roots »


Baco transcende l’Afrique

Après un long moment de silence Baco, l’une des voix les plus engagées de Mayotte, est de retour avec un projet fleuve divisé en trois parties nommé « Rocking My Roots ». Cet opus est un écrin pour mettre en valeur son style musical unique le R’n’G qui allie rock, reggae et rap au ‘Goma’. Avec « Rocking My Roots » Baco fait vivre l’héritage légué par toutes les musiques noires, tout en les transcendants à travers un projet authentique, mystique et qui sort totalement des sentiers battus.

Une vie atypique

Baco est en premier lieu un activiste de la culture Mahoraise. Son premier contact avec un instrument se fait à l’âge de 10 ans. Ce sera une guitare électrique. Dès les premières notes il est séduit et n’en décrochera plus jamais. Très vite les rythmes des tambours « N’Goma » de son île natale, Mayotte, vont l’inspirer. Ses textes éclairés et conscients lui permettent de se faire remarquer et de commencer à monter sur scène.

À travers ses textes Baco a pour but d’harmoniser les peuples et les cultures pour vivre dans un monde en paix. Dans les années 90-2000 il continue son combat pour l’harmonisation des peuples en créant une passerelle culturelle entre la zone océano-indienne et la métropole au travers de concerts ou d’expositions. Il va encore plus loin en produisant trois albums : « Kara Lala » en 1998, « Questions » en 2001 et l’excellent « Martyr’s Blues » en 2003 en compagnie de Manjul.

Le R’n’G un son unique

Baco est arrivé à créer ce que recherche tous musiciens, son propre son : le R’n’G. C’est le résultat de plusieurs années d’expérimentations. Le « R » représente le blues, le rap, le rock et le reggae. Le « G » lui représente le goma, qui signifie « tambour » en bantoue et qui représente la pulsation africaine. Tous ces genres musicaux sont ainsi déstructurés puis reconstitués autour de l’ADN rythmique de l’Afrique. Le goma est un rythme ternaire qui peut être joyeux ou mélancolique, fusionné avec des sons binaires cela provoque une vraie explosion sonore, qui rajoute du mysticisme à toutes les sonorités. Comme les ancêtres « le rythme ternaire est invisible mais il existe ».

Ce style musical s’est forgé au fil des années grâce à ses multiples rencontres et collaborations comme avec Keziah Jones, Hanifa Walidah de Brooklyn Funk Essentials ou encore Earl Blaize. Baco a inventé de toutes pièces un univers musical où les genres sont décortiqués pour être ré-assemblés afin de nous faire vivre un voyage sonore unique tout en prenant conscience des réalités de notre monde.

« Rocking My Roots » une épopée musicale

Son album « Rocking My Roots » est un projet déstabilisant mais passionnant. Avec ses textes et son R’n’G, Baco interroge, interpelle ses racines et les bouscule au travers d’un regard bienveillant qui n’espère qu’une seule chose : le salut du continent noir. Cet album est une ode à l’Afrique, à sa diversité, à son intelligence, à sa culture et à son évolution. Ce projet permet de continuer de faire vivre l’héritage légué par les musique noires à travers le R’n’G.

Pour cela Baco a fait appel aux meilleurs musiciens du moment. On retrouve à la batterie Christian Bourdon, Abbe au clavier, Aboubass à la basse, Paolo Pondinyaga à la guitare et Isabel Gonzales et Valérie Belinga au choeurs. Cet opus fleuve se compose de 23 titres tous aussi époustouflants les uns que les autres tant sur les harmonies, la richesse des sonorités que les parties vocales et instrumentales. Baco poursuit son cheminement jusqu’à une exploration linguistique en utilisant du français, de l’anglais et du swahili.

La première partie de l’opus et la troisième partie sont une pure démonstration du style R’n’G de Baco. Le deuxième volet lui, restitue toutes ces influences qui ont permis de créer ce son si unique et percutant. « Rocking my Roots » est un cri d’alarme fasse à un monde où l’instantanéité est maître et le béton est roi.

Une Afrique mutante et mosaïque

Baco réussit haut la main le pari de nous offrir un voyage musical loin des albums formatés et aseptisé. Le projet transpire les comores avec des sonorités mystiques et envoutantes qui mettent en scène une culture changeante et plurielle telle qu’elle l’est réellement, loin des clichés occidentaux.

Le premier volume s’ouvre avec le titre « Kwale » rendant hommage à un site du même nom, qui fut le refuge des Watoro pour fuir les travaux forcés. Un morceau qui met en lumière l’importance du devoir de mémoire. « Mdru N’Gomma » parle de la nostalgie, quant au très jazz « Red Wine » il fait le bilan de ce monde insouciant qui détruit les éco-systèmes nécessaires à sa survie. On poursuit avec « Mizani », une tune roots aux accents cubains qui s’attaque au sujet de la justice. La chanson « Musada » somme nos sociétés de cesser sa consommation de masse. « World of Wars » montre à quel point les mensonges de nos dirigeants nourrissent les conflits et les divisions. L’histoire de Mayotte nous est comptée à travers « Sada » et « Le temps de l’horloge » qui nous dépeint une société occidentale soumise au temps.

On attaque le deuxième volume, avec la tune « Bwana ». Elle raconte l’histoire d’un vieil homme qui s’interroge sur la bêtise humaine. Mention spéciale pour cette tune gracieuse, mystique et envoutante ! « Mafu » parle du regard des autres et « Sang coule » des divisions d’hier qui engendrent le sang. « Désolé les enfants » est un texte à double sens. Il parle en effet de l’héritage déplorable que nous laissons aux générations futures mais s’attaque aussi à une politique de bétonisation menée depuis plus de 30 ans. « La paix ou l’épée » met magnifiquement en lumière les contradictions de l’occident, à l’instar de « Fighting the violence in me » qui démontre comment l’occident orchestre des guerres en Afrique. « Down Time » parle de la dureté de la vie sur un riddim entre reggae et rock lourd. La tune « conflit mineur » nous apprend qu’un problème minime peut devenir important alors que « The Guide of the City » évoque le chaotique traitement de l’actualité par nos médias.

L’esprit des anciens

Le dernier volume est enregistré en live à Mayotte. On y parle de résistance avec « Face It », des ancêtres avec « Shitete » et « Hale », de mensonges avec « Tsoma » et enfin « Kara Lala » fait référence aux travaux forcés qu’on inflige à l’être humain. Cette troisième partie témoigne de l’énergie et l’émotion que peut transmette Baco & Urban Plant lors d’un concert. Avec cette épopée musicale « Rocking My Roots », Baco nous secoue en nous rappellant les priorités urgentes si nous ne voulons pas sombrer dans le chaos.

Avec le R’n’G Baco nous offre une musique mystique et chargée d’histoire, qui sonne comme une passerelle entre notre passé et notre présent afin de construire un monde meilleur dans lequel les esprits des anciens nous accompagnent et habitent la musique. Un projet pour lequel il faudra encore des années avant de pouvoir en cerner toute la profondeur.

Pour aller encore plus loin dans la découverte de cet album magique, Baco & Urban Plant a sorti un coffret collector limité et numéroté à 500 exemplaires. Le coffret contient les 3 volumes de l’album en vinyles, un livret reprenant les textes des chansons avec des photos et une explication de chaque morceau. Mais aussi une bande dessinée nommée « Raza la fille de Gamu ». Petit résumé : l’histoire commence dans une société antique, mais un jour Raza va tomber sur un objet très étrange qui va lui faire découvrir notre monde. Avec ce coffret, Baco vous propose une expérience totale et innovante afin de découvrir sa musique dans toute sa dimension.

By Little Bilbo Team Selecta KZA

 

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