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CHRONIQUE : Lee Scratch Perry & Bob Riddim « Destiny »

Deux ans après le décès de la légende du reggae, Lee « Scratch » Perry, le monde a enfin l’opportunité d’entendre son dernier album, « Destiny ». Pour être franc, c’est à la fois merveilleux et légèrement amer.

« Destiny », sorti sous le label Delicious Vinyl Island, représente une collaboration inattendue entre le célèbre « The Upsetter » et le producteur Bob Riddim, également connu pour ses explorations musicales dans des genres variés, notamment le hip-hop et les afrobeats. Cette association peut sembler surprenante, en particulier pour les puristes du reggae et du dub, mais Perry a toujours été un pionnier, et ce partenariat subversif en est un exemple parfait.

La plupart des instruments de l’album sont joués par Bob Riddim lui-même, à quelques exceptions notables près. « Destiny » met également en avant de jeunes talents musicaux, mais l’âme de l’album reste Perry et son art incomparable.

L’album s’ouvre avec « I Am », un morceau riche en sonorités dub qui rappelle la gloire du Black Ark. La basse résonne avec un rythme entêtant, tandis que les claviers électriques créent une ambiance envoûtante. Perry offre une performance vocale méditative tout en réfléchissant sur la signification de l’humanité, non seulement pour lui-même, mais pour tous ceux qui suivent un chemin conscient. C’est une introduction puissante qui invite à la réflexion.

La piste précédemment sortie, « Destiny », avec Evie ‘AhPuku’ Pukupoo, membre fondateur du collectif de dub poetry/reggae The No-Maddz, offre une interprétation somptueuse du reggae et du dub avec une touche moderne. Les éléments classiques, comme les caisses claires fortement réverbérées et la guitare électrique, se mêlent à une rythmique hip-hop, créant une fusion musicale fascinante. Les paroles réfléchies de Perry s’harmonisent parfaitement avec le discours franc de Pukupoo, offrant une expérience musicale qui allie à la fois tradition et modernité.

« Black », avec Kabaka Pyramid, lauréat d’un Grammy, confirme le son Revival de l’album. La chanson est épurée, avec des percussions hip-hop en contraste avec les éléments musicaux reggae, le tout agrémenté de synthétiseurs aux sonorités graves. Perry prend un ton plus réfléchi, presque comme un invité sur la piste. Les paroles abordent l’héritage du colonialisme, le racisme institutionnalisé et ses formes contemporaines. C’est une collaboration puissante qui démontre la capacité de Perry à s’adapter au style Revival.

« Space Echo » voit Perry collaborer avec Bernard Lanis au saxophone, offrant une performance saisissante. La piste commence de manière expérimentale, créant une sensation d’ascension vers l’espace avec des bruits techniques associés à des roulements de caisse claire militaires. Cependant, la chanson elle-même est un mélange de dub, de reggae et surtout de jazz. L’utilisation du saxophone est émotionnelle et captivante, créant une expérience sonore complexe et structurée. C’est du Perry classique, une exploration de la folie sonore organisée.

« Police And Thieves », avec Xana Romeo, fille de Max Romeo, revisite le hit de Perry et Junior Murvin de 1976. La composition reste fidèle au reggae, mais Bob Riddim et Perry l’emmènent dans le territoire du dub, ajoutant des synthétiseurs et des échantillons ingénieux. Les paroles, qui critiquent la violence policière et le racisme, demeurent tristement pertinentes aujourd’hui. C’est une réinterprétation brillante, montrant que Perry pouvait toujours offrir une performance vocale impressionnante.

« Ring Pon My Finger », avec Blvk H3ro, Leno Banton et Wayne J, propose une fusion de hip-hop et de reggae sur une rythmique entraînante. Perry s’intègre parfaitement à ces jeunes artistes, créant un morceau puissant qui aborde des thèmes culturels et de résistance.

« Infinity », avec Yaadcore, associe une performance parlée de Perry à la voix cristalline de son invité, offrant une analyse lyrique percutante de la vie sous le colonialisme. La musique évoque le son Revival avec ses rythmes hip-hop et ses cuivres majestueux.

L’album se termine par deux versions dub, dont l’une met en vedette le mélodica d’Addis Pablo, ajoutant une touche magique à la musique.

Dans l’ensemble, « Destiny » est à la fois une merveille et une source de mélancolie. Il montre Perry à son apogée artistique tout en embrassant les évolutions modernes du reggae et du dub. L’album est superbement construit, frais et facile à écouter. C’est une œuvre qui témoigne du potentiel continu de Perry en tant qu’innovateur, et il est regrettable de ne pas avoir pu en entendre davantage de sa part.

Détails de la sortie :
Lee ‘Scratch’ Perry – Destiny
DIGITAL RELEASE / VINYLE Delicious Vinyl Island

Date de sortie : 09/08/2023

TRACKS

I Am
Destiny feat. Evie Pukupoo
Black feat. Kabaka Pyramid
Space Echo
Police and Thieves feat. Xana Romeo
Ring Pon My Finger feat. Wayne J, Blvk H3ro & Leno Banton
Infinity feat. Yaadcore
Infinity Dub feat. Addis Pablo
Destiny Dub

Team Kza

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